Loi n° 85-09 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 1er.- 1) Pour la réalisation des objectifs d’intérêt général, l’État peut recourir à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique. 2) Cette procédure est engagée soit directement, lorsqu’elle vise à réaliser des opérations d’intérêt publique, soit indirectement à la demande des collectivités publiques locales, des établissements publics, des concessionnaires de service public ou des sociétés d’État.

Article 2.- L’expropriation pour cause d’utilité publique affecte uniquement la propriété privée telle qu’elle est reconnue par les lois et règlements.

Article 3.- 1) L’expropriation ouvre droit à l’indemnisation pécuniaire ou en nature selon les conditions définies par la présente loi. 2) L’indemnité due aux personnes évincées est fixée par le décret d’expropriation.

Article 4.- 1) Le décret d’expropriation entraîne transfert de propriété et permet de muter les titres existants au nom de l’État ou de toute autre personne de droit public bénéficiaire de cette mesure. 2) En principe, l’expropriation ouvre droit à une indemnisation préalable. 3) Toutefois, dans certains cas, le bénéficiaire de l’expropriation peut, avant paiement effectif de l’indemnité, occuper les lieux dès la publication du décret d’expropriation. 4) Un préavis de six mois à compter de la date de publication du décret d’expropriation, est donné aux victimes pour libérer les lieux. Ce délai est de trois mois en cas d’urgence.

Article 5.- L’acte de déclaration d’utilité publique est suspensif de toute transaction et de toute mise en valeur sur les terrains concernés. Aucun permis de construire ne peut, sous peine de nullité d’ordre public, être délivré sur les lieux.
CHAPITRE II : DE L’INDEMNISATION

Article 6.- Les indemnités dues pour expropriation sont à la charge de la personne morale bénéficiaire de cette mesure.

Article 7.- 1) L’indemnisation porte sur le dommage matériel direct, immédiat et certain causé par l’éviction. Elle couvre : – Les terrains nus ; – Les cultures ; – Les contributions ; – Toutes autres mises en valeurs, quelle qu’en soit la nature, dûment constatées par une commission dite la commission de constat et d’évaluation. 2) La composition et les modalités de fonctionnement de la commission de constat d’évaluation font l’objet d’un texte réglementaire.

Article 8.- 1) L’indemnité est pécuniaire ; toutefois, en ce qui concerne les terrains, la personne morale bénéficiaire de l’expropriation peut substituer une compensation de même nature et de même valeur à l’indemnité pécuniaire. 2) En cas de compensation en nature, le terrain attribué doit, autant que faire se peut, être situé dans la même commune que le terrain frappé d’expropriation. 3) Si la valeur du terrain alloué en compensation est supérieure à celle du terrain frappé d’expropriation, la soulte est payée par le bénéficiaire de l’indemnité. Si elle est inférieure, le bénéficiaire de l’expropriation alloue une indemnité pécuniaire correspondant à la soulte.

Article 9.- L’indemnisation des terrains nus et non viabilisés est faite selon les modalités ci-après : 1) Lorsqu’il s’agit d’un terrain d’une détention coutumière ayant donné lieu à l’obtention d’un titre foncier, l’indemnité ne peut dépasser le taux minimum officiel des terrains domaniaux non viabilisés de la localité de situation du titre foncier. 2) Lorsqu’il s’agit d’un terrain résultant d’une transaction normale de droit commun ou d’une acquisition des terrains domaniaux, l’indemnité due est égale au prix d’achat, majoré des frais divers d’acquisition.

Article 10.- 1) Les modalités de détermination de la valeur des cultures détruites, sont fixées par décret. 2) La valeur des constructions et des autres mises en valeur, est déterminée par la commission de constat et d’évaluation. 3) Il n’est dû aucune indemnité pour destruction des constructions vétustes ou menaçant ruines ou de celles réalisées en infraction aux règles d’urbanisme ou aux dispositions législatives ou réglementaires fixant le régime foncier.

Article 11.- Les indemnités allouées antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi ne peuvent donner lieu à aucune révision.
CHAPITRE III : DU CONTENTIEUX

Article 12.- 1) En cas de contestation sur le montant des indemnités, l’exproprié adresse sa réclamation à l’administration chargée des domaines. 2) S’il n’obtient pas satisfaction, il saisit, dans un délai d’un mois, à compter de la date de notification de la décision contestée, le Tribunal judiciaire compétent du lieu de situation de l’immeuble. 3) Conformément à la procédure et sous réserve des voies de recours de droit commun, le tribunal confirme, réduit ou augmente le montant de l’indemnité suivant les modalités d’évaluation fixées dans la présente loi et ses textes d’application.
CHAPITRE IV : DISPOSITIONS DIVERSES

Article 13.- Les tuteurs et représentants légaux des incapables ou interdits expropriés, peuvent être habilités par ordonnance du Président du Tribunal, à accepter l’indemnité offerte par l’Administration.

Article 14.- Les actions en résolution, en revendication et toutes actions réelles ne peuvent arrêter l’expropriation ni en empêcher les effets. L’action en réclamation est transportée sur l’indemnité et le droit en demeure affranchi.

Article 15.- 1) La procédure d’expropriation est fixée par voie réglementaire. 3) Les procédures d’indemnisation non définitivement réglée à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, seront poursuivies conformément à l’ancienne législation jusqu’à leur aboutissement.

Article 16.- La présente loi qui abroge toutes les dispositions antérieures contraires, notamment celle de l’ordonnance n° 74-3 du 6 juillet 1974, relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique, sera enregistrée, promulguée puis publiée au Journal Officiel en français et en anglais./-

Yaoundé, le 04 juillet 1985
Le Président de la République
(é) Paul Biya

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