L’idée de l’observatoire vient du travail effectué par Olivier Iyebi Mandjek [Géographe – chercheur à la FPAE] au nord du Cameroun sur les systèmes agraires. De celui-ci, il est apparu que la plupart des terres sont gérées par le système coutumier en fonction de ses propres règles. Or vu l’évolution de la société, ce système connaît des tensions internes auxquelles il doit répondre.
Celles-ci se traduisent à tous les niveaux de la chaîne sociale, mais plus particulièrement par des conflits d’affectation des terres entre les différentes composantes de la société.
L’une des tendances observées est la volonté d’une partie du corps social d’accéder à la propriété individuelle selon les termes de la loi. Dans ce domaine, l’Etat protège la régulation coutumière grâce à une distribution des rôles qui place le système coutumier à l’origine du système d’immatriculation. Celle-ci n’intervient en faveur d’un individu que lorsque la communauté a déclaré que cette opération est possible. Pour saisir les évolutions du système coutumier de dévolution des terres et dégager les tendances dans ses rapports avec la loi moderne, nous avons préconisé la mise en place d’un observatoire des pratiques coutumières de gestion des terres. L’observation reposait sur des monographies complètes de villages qu’appuyait une cartographie du parcellaire.
Afin de faire le point sur la réalité, l’ampleur et la nature de ce phénomène d’acquisition à grande échelle des terres au Cameroun et, secondairement, en Afrique centrale, la Fondation Paul Ango Ela (FPAE) et le CIRAD ont organisé les 25 et 26 novembre 2011 à l’hôtel Mérina de Yaoundé l’Atelier “Foncier, pressions commerciales sur les terres et REDD+”. Celui-ci s’est tenu grâce à l’appui financier de la Coopération française (SCAC) et de la Coopération allemande (GIZ). Il était placé sous le patronage du ministère de l’Économie, de la planification et de l’aménagement du territoire (MINEPAT) du Cameroun. Une soixantaine de participants de différents horizons ont participé à cette réunion (administrations, centres de recherche, organisations de la société civile, parlementaires et organismes de coopération).
L’un des produits importants de cet atelier a été l’accord de tous les participants sur la nécessité d’instituer rapidement un Observatoire sur le phénomène d’acquisition des terres à grande échelle au Cameroun. Sa création s’est avérée importante pour une nécessaire crédibilité des analyses du phénomène dans un domaine potentiellement controversé comme celui des acquisitions des terres à grande échelle. Le but de cet observatoire est à terme d’élargir ses activités en Afrique centrale.
L’acquisition des terres à grande échelle peut être entendue comme «le processus par lequel les grandes puissances, les privés étrangers ou les hommes d’affaires nationaux accèdent à la terre, dans les pays du sud notamment, pour produire et exporter dans les pays industrialisés». Cette définition partielle et très orientée vise essentiellement les grands groupes et le phénomène d’externalisation de la production dans l’agriculture. Elle est très discutée et contestée. Les associations de paysans considèrent que les accaparements prennent des formes variées ; l’expulsion des veuves et des orphelins de leurs terres sont considérées par elles comme des cas d’accaparement, ainsi que les prises de terres par des entrepreneurs agricoles locaux. Bref, tous ceux qui ne vivent pas de la terre et qui se font établir des titres fonciers au détriment des paysans sont coupables d’accaparement. Cette définition a le mérite de considérer le phénomène dans toute sa dimension. L’accaparement est un concept péjoratif. Certains auteurs proposent à sa place celui d’acquisition des terres à grande échelle, qui a le mérite de ne pas mettre en avant la violence du phénomène. Cette étude se propose de reconsidérer le concept d’accaparement. Derrière ce jeu de mot se profile un conflit dont l’objectif est l’approvisionnement des populations en vivres. Cette politique se décline dans des concepts qui ont évolué en fonction des intérêts mondiaux: l’autosuffisance alimentaire, la sécurité alimentaire et la souveraineté alimentaire.
Positions clés de l’Observatoire
- Il faut retenir au Cameroun une définition élargie de l’ATGE incluant finalement l’ensemble des conflits fonciers, sans distinction par ailleurs de l’espace (rural, urbain, etc.) où ils se produisent. L’ATGE se rattache au problème de la gouvernance car elle se rattache à une critique sociale (pas nécessairement fondée) du mouvement, sa cause, son auteur, ses impacts. Elle sert à marquer une processus quel que soit son ampleur du sceau de l’illégitimité sociale.
- La notion d’ATGE est une notion au contenu évolutif en fonction des conflits que connaissent réellement les acteurs,, ainsi que de leurs intérêts honorables ou pas, publiables ou non. Il n’y a pas en la matière de stratégie à moyen ou long terme. Ils n’évoquent que leurs conflits pré
- L’inclusion de plusieurs mouvements pose une question quant à son traitement: faut-il faire de l’ATGE un concept général incluant des mouvements particuliers? Les situations sont finalement très particulières. Le traitement classique de l’insertion dans un concept général risque de nuire au réel traitement de ces particularités. Mais, ne pas le faire est socialement et politiquement discutable. Il faudrait donc renouveler le rapport entre le général et le particulier, sur le plan politique et juridique.
- Le problème et sa solution ne sont pas liés au foncier. Ils mettent en jeu l’espace et la limite
- Si le foncier n’est pas le cœur de la question, il reste néanmoins un élément sur lequel il convient d’intervenir. Toutefois, compte tenu des diverses fonctionnalités du foncier, cette intervention n’est pertinente que si elle exclue l’idée même du foncier au bénéfice de la “terre”
- Enfin, la valeur de la loi et de son éventuelle réforme doive être repensée. Il ne s’agit pas en particulier simplement d’affirmer “le pluralisme” mais:
- d’une part d’en donner un contenu réfléchi
- d’autre part de ne pas le cantonner à la soi-disant opposition entre un droit coutumier aux contours finalement imprécis et un droit étatique socialement débauché