Les recompositions de l’action publique: à partir de la lutte contre le Sida (2008-2011)

“Les recompositions de l’action publique : à partir de la lutte contre le sida. Approche interdisciplinaire pour une recherche opérationnelle en santé en Afrique (Cameroun, Burkina Faso, Botswana)”, projet Corus 2 N° 6091 (2008- 2011).

Responsable Nord : Fred Eboko, IRD/FPAE

Responsable Sud : Mathias Eric Owona Nguini, FPAE

Notre projet se propose d’analyser les configurations contemporaines de l’action publique dans le champ de la santé, à partir du sida en Afrique. Notre travail envisage trois cas différents, trois dynamiques épidémiologiques, sociologiques, économiques et politiques différentes, représentées par trois sites géographiques susceptibles de nourrir une approche comparée : le Cameroun en Afrique centrale, le Burkina Faso en Afrique de l’Ouest et le Botswana en Afrique australe. L’expérience conjuguée des chercheurs de nos équipes montrent d’emblée que ces trois pays ont connu, depuis les années 1980, une très forte reconfiguration de leurs réponses respectives à la pandémie du sida. Notre recherche s’articule autour de deux axes : la recomposition locale des programmes verticaux de santé, conçus au niveau international ; les dynamiques des acteurs de la santé – professionnels et usagers – et leurs effets dans un contexte où l’Etat « fragile » (Burkina, Cameroun) ou plus institutionnalisé (Botswana) devient un co-acteur des politiques publiques. Du Botswana, un des pays les plus touchés en proportion dans le monde (24,1% des 15-49 ans), au Cameroun et au Burkina qui connaissent des prévalences de « faible à moyenne » (autour de 2% pour le Burkina et 5,5% pour le Cameroun), nous proposons des analyses stratifiées et des interventions successives dans chacun d’eux. Le premier niveau est celui de la coopération internationale. Au Botswana elle est très fortement anglo-saxonne avec en point d’orgue le plan Bush (le « President Emergency Plan for AIDS and Relief » – PEPFAR) ; au Cameroun elle est plus composite, avec une division du travail international entre les actions multilatérales (le Fonds mondial, l’ONUSIDA, la Banque mondiale, etc.) et bilatérales (la coopération allemande – GTZ, la coopération française, la coopération belge, etc.). Au Burkina, cette coopération alterne ce qui précède et rajoute une très forte dimension non-gouvernementale qui fait de ce pays celui qui compte en Afrique le plus d’ONG au kilomètre carré. L’évolution de l’historicité de la prise en charge des patients montre une césure représentée par la baisse du coût des médicaments contre le sida (Cameroun, Burkina) voire à sa gratuité (Botswana).

S’agit-il d’une « révolution thérapeutique » ou de la partie visible d’un « progrès » qui masquerait le déclassement politique des limites du système (les autres pathologies, la situation des personnels de santé, des structures, le contenu des prestations, etc.) ? Cette dimension induit la question de « l’émergence » des politiques publiques en matière de sida, dans un cadre international.

  • Les rapports de force entre les différents acteurs qui permettent la fluidité de cette prise en charge, des associations des patients aux institutions internationales, en passant par la place de l’Etat et l’implication des ONG. Autrement dit en matière de réponse de santé publique, « qui gouverne » et suivant quelles valeurs, quels référentiels ?
  • La réappropriation des personnels de santé dans le cadre de cette offre de soins et les changements induits par ce nouvel entrant dans des systèmes affaiblis (Cameroun, Burkina) ou en plein essor (Botswana).
  • Le transfert des référentiels internationaux et leur reformulation – partielle, totale ou syncrétique – dans des contextes africains différents.
  • La question de l’indigence et celle de la prise en charge de la tuberculose et du paludisme comme maladies « déclassées » en cours de « reclassement ».

L’ambition pratique de ce projet est de mettre en relation les avancées de la recherche avec la formation par et pour la recherche à travers des ateliers de recherche et des séminaires de formation, au Sud et au Nord. Il s’agit d’envisager la possibilité de « transférer » des expériences de l’Afrique vers l’Afrique. En quoi les modalités du leadership au Botswana et au Burkina peuvent-elles servir l’expérience du Cameroun ? La dynamique de la décentralisation de l’offre de soins au Cameroun peut-elle inspirer les deux autres pays ? L’acuité récente des mobilisations associatives au Burkina peut-elle avoir un sens au Botswana et au Cameroun ? A partir de travaux menés sur ces trois pays et en relation étroite avec des équipes du Sud et du Nord, ce projet propose une recherche opérationnelle fondée sur l’échange régulier de données, d’analyses interdisciplinaires (science politique, relations internationales, socio-anthropologie, économie, histoire, géographie, santé publique) et internationales. Ces échanges visent à aboutir à une sociologie politique de l’expérience partagée, à partir de la lutte contre le sida en Afrique.

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